La pratique de Gabriel Fortin oscille entre les médiums du cinéma, de la vidéo et de la photographie. Fortement inspiré par le portrait vidéo et l’art du tableau vivant, il privilégie le beau dans une approche picturale soignée. En vidéo, il travaille le plan-séquence par lequel entrent en relation archétypes sociaux et symboles de culture populaire par le contraste et la rupture. Inversement, une manière d’aborder l’image propre au cinéma (travail de la lumière, cadrage) est transposée dans son approche de la photographie. Dans cette hybridité se créent des ponts entre l’image en mouvement et l’image fixe. À l’instar des codes narratifs du cinéma, ses images sont autonomes, se suffisent à elles-mêmes, évoluent sans préambule ni dénouement.
Parfois proche du documentaire, son travail met en perspective les codes de représentation de l’identité culturelle du Québec et propose une réflexion nouvelle sur le kitsch québécois. Les compositions qu’il met en scène tentent de dépasser les codes du portrait (dramatisation de l’éclairage, composition, extrême ralenti, frontalité, fixité) en créant des situations où les corps et les lieux sont tellement typés qu’ils atteignent le rang d’archétype. Obsédé par le beau dans le laid et tentant de questionner les jugements de valeur, Gabriel Fortin s’intéresse invariablement à l’art du décalage tout en cultivant l’ambivalence et le malaise.